Whisky 101

Le monde du whisky est si diversifié et enivrant que de ne serait-ce que tenter sa découverte ou son exploration peut sembler une tâche ardue, voire même intimidante. Je vais tenter ici de couvrir certaines bases qui vont vous aider à vous lancer sur le droit chemin, ou du moins à comprendre un peu mieux cet univers qui paraît pour certains être d’une colossale impénétrabilité.

Pour beaucoup de gens, quand on pense whisky, on pense tout de suite Jack Daniel’s et cowboys, ou bien Canadian Club et moustache fournie. Bien que ces expressions de whisky ne soient pas mauvaises en soi, il y a un monde infiniment complexe et séduisant à découvrir si seulement on se donne la peine d’aller un peu plus loin.

Le whisky, c’est quoi?

Le whisky est un spiritueux créé principalement par distillation de céréales, au même titre que vodka et patates, ainsi que rhum et mélasse. Bien que des divisions et dénominations différentes s’appliquent en fonction de la céréale, que ce soit de l’orge, du maïs, du sègle, etc… ça demeure à la base du whisky.

La distillerie Old Bushmills est estimée être la première à obtenir une license de distillation, il y a de cela plus de 400 ans, et le processus de distillation n’a pas beaucoup changé depuis. Encore de nos jours les seuls ingrédients nécéssaires à la fabrication du whisky demeurent la céréale, l’eau et la levure.

Origines

On arrive à l’heure du cours conjoint d’histoire et d’étymologie. Whisky est un mot anglais qui provient de uisce en gaélique d’Irlande ou bien uisge en gaélique d’Écosse, ce qui explique qu’encore aujourd’hui les deux pays revendiquent l’invention et l’origine de ce qui veut dire eau-de-vie une fois traduit.

Certains experts affirment qu’historiquement l’Irlande serait le berceau du whisky, mais il est toutefois difficile de contester aujourd’hui que l’Écosse en est le plus grand ambassadeur. De fil en aiguille, le breuvage se répandit au reste de l’Europe, en Amérique, en Chine, au Japon et au monde entier. Le whisky en général est consommé actuellement dans plus de 200 pays, ce qui en fait le spiritueux le plus bu au monde.

Fabrication

Plusieurs céréales peuvent entrer dans la fabrication du whisky. La plus répandue, et la principale utilisée en Écosse est l’orge maltée. Cette dernière est utilisée en Irlande aussi, mais elle est souvent mélangée à d’autres céréales car à l’aube du whisky l’Irlande était beaucoup plus pauvre que l’Écosse et l’orge était plutôt onéreuse. Les américains quant à eux, dans un élan de liberté, ont débuté leur exploration du whisky jadis avec du maïs, et bien que d’autres céréales soient utilisées, on en ressent encore le caractère bien solide dans les bourbons d’aujourd’hui. Le whisky de seigle est plus typiquement canadien. Toutes les réponses sont bonnes, on retrouve même du whisky de riz au Laos pour 75¢ la bouteille! Je n’en ai encore jamais vu, mais je ne serais pas surpris de voir un jour un whisky douze céréales, fait juste pour l’accomplissement.

Bien qu’il existe des variations d’une distillerie à l’autre, les cinq principales étapes de la production du whisky demeurent les mêmes, à un poil près : Le maltage, le brassage, la fermentation, la distillation et la maturation. Ci-dessous je vais vous saucer un peu dans chacune d’entre elles.

Maltage

Pour obtenir de l’alcool à partir de l’orge, on doit en extraire l’amidon pour le transformer en sucres solubles. Pour ce faire, on trempe la céréale dans de l’eau tiède quelques jours pour ensuite l’étendre sur le sol de ce qu’on appelle une maison de maltage, afin de la faire germer.

Une fois germées, on doit faire sécher les graines pour freiner le processus de germination au bon moment. Ceci est effectué dans un four, et c’est ici que la magie commence, sous la forme du type de combustible utilisé, qui peut à lui seul influencer grandement le caractère du produit final. Ces combustibles vont de la tourbe de l’Islay jusqu’aux copeaux de chêne du Texas, en passant par l’air chaud des Lowlands, et bien plus.

C’est à ce moment que tel le papillon suite à sa métamorphose, on appelle l’orge « malt » ou « orge maltée ». On retire tous les débris et bouts d’enveloppe du grain et on broie le reste dans un moulin prévu à cet effet.

Brassage

On nomme la farine de malt obtenue précédemment le grist. On l’ajoute à de l’eau et on brasse le mélange afin d’en extraire les sucres. L’eau provient en général d’une source naturelle située près de la distillerie, ce qui assure une diversité dûe à la géographie de chacune d’entre elles. Le mélange obtenu est appelé le mash, ou « brassin » en français. On le brasse pendant quelques heures à des températures de plus en plus chaudes dans le but de dissoudre les sucres au maximum. La partie liquide est récoltée pour la fermentation, alors que la partie solide restante est transformée en moulée pour le bétail. On ne pourra pas dire que l’industrie du whisky n’est pas une industrie verte…

Fermentation

Ça commence à être intéressant. La portion liquide du brassin, appelée maintenant le wort, est prête à être fermentée. On y ajoute de la levure afin de transformer les sucres en alcool. À ce stade-ci, le liquide change encore de nom pour le wash, et son taux d’alcool se situe autour de cinq à dix pour cent.

On pourrait très bien décider de faire de la bière avec à ce point, mais vu qu’on aime vivre dangereusement et que nous n’avons pas le MAPAQ au cul, au lieu de brasser le liquide, nous allons le distiller.

Distillation

Le wash passe dans un premier alambic appelé le wash still, où l’eau et l’alcool sont séparés. La vapeur d’alcool est récupérée et se fait envoyer dans le second alambic, plus petit en général, le spirit still, pour répéter le processus. Quand ce dernier est vidé, on jette le premier tiers, la tête de cuvée, pour son taux destructeur de près de 80% d’alcool et ses impuretés. Le dernier tiers, appelé la queue de distillation, est soit redistillée ou bien vendue à de tierces compagnies qui en font des blends.

Ce qui nous intéresse et qui est récupéré pour le sacro-saint single malt, c’est le tiers du milieu, le coeur de chauffe. On appelle ce spiritueux le new spirit ou le new make, il est incolore et cogne à un niveau entre 68% et 72% d’alcool. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’en goûter quelques uns, qu’ils appellent aussi White Dog. La vidéo suivante décrit bien l’expérience.

Maturation

La dernière étape est celle qui est tout à l’honneur de ses artisans, c’est le moment où l’homme doit faire preuve de patience, le vieillissement. Les différents tonneaux utilisés, chêne neuf, ex-bourbon, ex-sherry, etc, peaufinent les arômes et la coloration du new make pendant minimum trois ans (sauf aux États-Unis, où un vieillissement est obligatoire, mais où la durée n’a aucune importance) pour mériter le droit de s’appeler whisky, mais on ne se gêne pas pour le laisser vieillir dix, douze, vignt ans et bien plus…

Il ne faut jamais sous-estimer l’influence du bois. Ses propriétés poreuses font aussi en sorte que ce qui se trouve autour de la distillerie, comme l’air salin de la mer ou bien les sommets de l’Inde par exemple, affectent le goût et l’arôme final du whisky.

Ce magnifique ballet temporel me rappelle ces douces paroles de Jean-Claude Van Damme:

J’adore les cacahuètes. Tu bois une bière et tu en as marre du goût. Alors tu manges des cacahuètes. Les cacahuètes c’est doux et salé, fort et tendre, comme une femme. Manger des cacahuètes, it’s a really strong feeling. Et après tu as de nouveau envie de boire de la bière. Les cacahuètes c’est le mouvement perpétuel à la portée de l’homme.

Types de whisky

En lisant les bouteilles sur les étalages, on est en droit de se poser des questions telles que : Quelle est la différence entre un blend et un single malt? Et bien c’est ici que se cache la réponse…

Single Malt Whisky

Le single malt whisky est le type de whisky le plus louangé au monde. Il est fait exclusivement d’orge maltée et exclusivement aussi de whisky provenant de la même distillerie. Certains porteront un énoncé d’âge et d’autres pas. S’il y en a un, sachez que la règle est que seul l’âge minimum sera indiqué. Si c’est écrit 12 ans, et bien aucun whisky plus jeune que 12 ans n’est entré dans sa composition. Des plus vieux peuvent s’y trouver par contre, oh oui…

Blended Whisky

Du moment qu’une seconde distillerie est impliquée, on parle d’un blended whisky, c’est-à-dire un whisky mélangé. Ce n’est pas le résultat de copinage entre distilleries, mais bien d’embouteilleurs indépendants qui achètent des whiskys ici et là afin de créer des malts vraiment uniques. Est-ce mieux qu’un single malt? Il s’agit bien sûr d’une question de goût. Si un blend porte un énoncé d’âge, la règle est la même que pour les single malts.

Grain Whisky

Un grain whisky, ça veut dire ce que ça veut dire, un whisky de grain. Ça peut être un seul grain, comme le maïs ou le seigle, ou bien ça peut être un assemblage de plusieurs grains comme dans les bourbons. Il n’y a pas grand chose à rajouter, la variété des whiskys de grain étant tellement grande. La seule chose à retenir, c’est que si c’est fait à partir de céréales et que ça a vieilli en fût, c’est un whisky.

Le whisky dans le monde

Je vais prendre une autre pause ici pour citer le cardinal Léger qui me demande souvent comme plein d’autres:

Mais c’est quoi la différence entre du scotch pis du whisky?

C’est simple, en vulgarisant à fond je vous dirais que le scotch est au whisky ce que le champagne est au vin mousseux. On peut ainsi affirmer que tous les scotchs sont des whiskys mais que tous les whiskys ne sont pas nécéssairement des scotchs. Pour pouvoir s’appeler scotch whisky, un whisky doit avoir été distillé et vieilli au moins trois ans en territoire écossais.

Plusieurs autres pays ont leurs règlements de péteux pour les dénominations de whisky. Aux États-Unis, ils mettent un « e » dans le mot et l’écrivent whiskey. Pour s’appeler un bourbon, un whiskey américain doit être composé d’entre 51% et 79% de maïs. Plus haut que ça on doit dire un corn whiskey.

Bien qu’il soit très près de son parent écossais, le whiskey irlandais s’écrit aussi avec un « e ». C’est d’ailleurs probablement les immigrants irlandais qui ont apporté le « e » avec eux aux États-Unis à l’aube du whiskey américain.

Le grain de seigle est souvent utilisé dans certains mash bills, mais il est plus souvent caractéristique des whiskys canadiens, qu’on appelle aussi rye whiskys.

Le Japon, friand de l’imitation de cultures étrangères, a été un des premiers à vouloir copier les single malts écossais, et bien que la reconnaissance de son talent est arrivée plutôt tard, ses whiskys jouissent aujourd’hui d’une renommée mondiale.

D’autres pays où le whisky n’est pas disons typique se sont démarqués avec d’excellents produits, je pense entre autres à la Suède et à l’Inde. Sans oublier les distilleries artisanales telles Balcones au Texas et Glann ar Mor en Bretagne.

Régions de l’Écosse

Dans mes notes de dégustation, comme bien d’autres, je divise les whiskys écossais par région. Voici une petite carte pour vous éclairer, suivi de quelques exemples de distilleries par région.

Campbeltown: Glen Scotia, Springbank.
Highlands: Dalmore, Glen Garioch, Glenmorangie.
Islands: Highland Park, Jura, Talisker.
Islay: Ardbeg, Bowmore, Lagavulin, Laphroaig.
Lowlands: Auchentoshan, Glenkinchie.
Speyside: Aberlour, Balvenie, Glenfiddich, Glenlivet, Macallan.

J’espère que cette plus ou moins brève introduction vous donnera le goût d’aller plus loin. Allez chercher des bouquins, des bouteilles, mettez le web à feu et à sang pour étancher votre soif…